Atys, Lully
Presque un quart de siècle après la première série de représentations, en janvier 1987, la recréation de la légendaire production de l'Atys de Lully, dans la même salle Favart, avec le même tandem Christie-Villégier aux commandes, aura fait mentir les augures les plus pessimistes, qui prophétisaient déception et déconvenue. Frileux et grincheux en auront été pour leurs frais : la magie était à nouveau au rendez-vous ; le miracle Atys s'est bel et bien reproduit.
Avec un formidable atout supplémentaire : cette fois, des caméras expertes ont filmé le spectacle en toute fidélité. En toute virtuosité. Cette réussite vidéo couronne une collection de DVD d'opéras déjà riche, éditée avec un soin et un goût qui honorent ses commanditaires - le réalisateur François Roussillon et Jérôme Deschamps, l'actuel patron de l'Opéra-Comique (1) . « Une mise en scène est par définition éphémère, seule l'oeuvre est durable », plaide modestement Jean-Marie Villégier. Mais sans son travail, sans celui de ses coéquipiers, ni l'oeuvre ni son genre lui-même - la tragédie en musique du Grand Siècle - n'auraient ressurgi de l'oubli et de l'ignorance où ils avaient sombré, depuis deux cents ans. « Avec Atys, la tragédie lyrique renaissait pour la première fois en France dans toute sa splendeur », se félicite William Christie, dans l'un des entretiens qui complètent l'enregistrement du spectacle. Et quelle splendeur ! Visuelle d'abord, avec cet altier décor d'antichambre versaillaise, repeint à neuf, en (faux) marbre noir ; avec ces costumes de cour en grand deuil, retaillés dans des matériaux nobles, déclinant un camaïeu sourd de gris et d'argent. Splendeur sonore, ensuite, avec un orchestre dont William Christie a repensé toute l'alimentation en énergie, pour un voltage plus puissant, des étincelles plus électrisantes. Splendeur vocale, avec une distribution presque entièrement renouvelée, rajeunie, pour laquelle la pépinière du Jardin des Voix a fourni nouvelles pousses (le choeur, les seconds rôles) et rameaux confirmés. A chaque sommet du triangle amoureux de l'intrigue campe un soliste magnifique : de l'Atys impétueux de Bernard Richter à la Cybèle racinienne de Stéphanie d'Oustrac (2) , ou la tendre Sangaride plaintive d'Emmanuelle de Negri. Mais c'est à la splendeur chorégraphique que les images rendent le plus bel hommage. La regrettée Francine Lancelot, dont l'assistante d'hier, Béatrice Massin, a scrupuleusement repris intuitions et inventions, avait effectué pour la danse un travail de redécouverte archéologique aussi informé et dominé que celui du chef sur la partition, ou du metteur en scène sur le livret de Quinault. « Allons, allons, accourez tous » ne sont pas en vain les premiers mots chantés de l'opéra. Tout y est mouvement. Mieux : mobilité - les tempi de William Christie comme les déplacements réglés par Jean-Marie Villégier, ou les figures calibrées par Francine Lancelot (le solo en apesanteur de Gil Isoart, dans la scène du sommeil). « Une mise en scène, c'est le regard d'une époque sur un autre temps », assure Jean-Marie Villégier. On ne le remerciera jamais assez d'avoir le regard aussi perçant. | Avec Stéphanie d'Oustrac, Emmanuelle de Negri, Bernard Richter, Nicolas Rivenq, choeur et orchestre Les Arts Florissants, dir. William Christie, mise en scène Jean-Marie Villégier, réalisation François Roussillon, 2 DVD FRA Musica/Harmonia Mundi. Gilles Macassar Telerama