Martinez Carole
C’est un beau roman, c’est une belle histoire que celle de Carole Martinez. L’itinéraire d’une femme « ordinaire » au destin extraordinaire. Son premier roman, Le cœur cousu, discrètement paru en 2007, s’est vendu à 300 000 exemplaires et a remporté quatorze prix dont le Renaudot des lycéens. Trois ans plus tard, Du domaine des murmures confirme le succès du premier et reçoit, lui, le Goncourt des lycéens (sélectionné pour le « grand » Goncourt, l’Académie lui a préféré L’art français de la guerre, d’Alexis Jenni). Cette réussite fulgurante aurait pu lui monter à la tête mais Carole n’est pas du genre à se laisser éblouir par les flashs. Parisienne d’origine espagnole passionnée de lecture, elle confesse tout juste « avoir acheté une petite maison à la campagne, baptisée »Les murmures" en hommage au livre qui lui a permis de la financer. Pour le reste, elle vit toujours dans le 15e arrondissement de Paris. Avec son mari, Laurent, et ses enfants, Noé et Joséphine, ils occupent l’appartement juste au-dessus de celui de ses parents. C’est là qu’elle grandit. Là qu’elle vit ses premiers émois littéraires. Elle se souvient : « Dès le plus jeune âge, j’ai aimé les livres. Petite, je dévorais aussi bien les aventures de Tintin que celles du Club des Cinq. » Mais enfant, Carole rêve surtout de fouler les planches, elle veut devenir comédienne. Si elle écrit, ce n’est que pour tenir ses émotions à distance. « J’aimais ça. Je noircissais du papier comme le font les adolescents », confie-t-elle. Bac (littéraire cela va de soi) en poche, elle se consacre donc d’abord au théâtre. « C’était une catastrophe. Je suis allée d’échec en échec. J’ai suivi des tas de cours, couru les castings, j’étais toujours recalée. » Elle renonce à l’art dramatique, et envisage la réalisation cinématographique. Sans succès. A trente ans, elle se résigne. Elle se présente au Capes de lettres, le rate à l’oral. Pour se prouver que l’échec n’est pas une fatalité, encouragée par son mari, Laurent, Carole écrit un roman jeunesse et l’envoie aux éditeurs. Bingo ! Son Cri du livre est publié chez Pocket Jeunesse. Rassurée, Carole repasse le Capes et cette fois le décroche l. De ce jour, la jeune femme enchaîne les succès. Prof de lettres, elle trouve son équilibre entre sa vie au collège et le quotidien d’une mère de famille épanouie. Son fils Noé (né en 1996) et la petite Valentine (de quatre ans sa cadette) ajoutent à sa félicité. Sauf que Carole porte en elle ce désir de plus grand, une soif, un besoin d’absolu. Rattrapée par l’amour des mots qu’elle enseigne dans des établissements de banlieue parisienne – à Sarcelles notamment –, elle écrit. Son inspiration, elle la puise dans les histoires que lui contait sa grand-mère Françoise, née en Espagne, débarquée à Paris et devenue concierge dans un immeuble du boulevard Montparnasse. « Elle avait des dons, faisait des prières. Elle prétendait guérir les chairs brûlées… Un pouvoir qu’elle disait avoir hérité de sa mère qui l’avait elle-même hérité de la sienne. Elle vivait avec ma grand-tante cartomancienne et toutes les deux se complaisaient dans ce quotidien peuplé d’esprits et de secrets », se souvient Carole. Le temps a passé. Toujours prof mais « en disponibilité », elle aime se rendre dans les collèges et les lycées, à la rencontre des jeunes. Elle travaille aussi sur son troisième roman. Et sur la suite de la bande dessinée dont elle assure tout le scénario. Une belle histoire on vous dit…