Modiano Patrick
Jean Patrick Modiano est né le 30 juillet 1945 11 allée Marguerite1 dans une villa-maternité du Parc des Princes à Boulogne-Billancourt2 d'Albert Modiano et de Louisa Colpijn, comédienne flamande débarquée à Paris en juin 19423 connue ultérieurement sous son nom d'actrice de cinéma belge Louisa Colpeyn4. Le roman familial (1945-1956)[modifier | modifier le code] Son père, orphelin à quatre ans, n'a pas connu le sien, un aventurier toscan5 déjudaïsé d'Alexandrie, né à Salonique et établi en 1903 avec la nationalité espagnole, après une première vie à Caracas6, comme antiquaire à Paris, 5 rue de Châteaudun6. Élevé dans un certain abandon avec son frère7, square Pétrelle5 puis square de la rue d'Hauteville7, par une mère anglo-picarde6, c'est âgé de trente ans que ce futur père rencontre dans le Paris occupé, en octobre 19428, sa future mère, traductrice à la Continental3. Τrafiquant amateur dans sa jeunesse, Albert Modiano a été, après quelques échecs dans la finance et le pétrole7, gérant d'une boutique de bas et parfums, sise 71 boulevard Malesherbes9, juste avant la guerre. Après sa démobilisation9, il s'est trouvé sous le coup de la loi du 3 octobre 1940 contre les « juifs » mais ne s'est pas déclaré au commissariat10 comme il en avait l'obligation. En février 1942, soit six mois avant le décret du 6 juin 1942 portant application de cette loi et organisant les déportations, il est entré dans la clandestinité à la suite d'une rafle10 et d'une évasion11. Introduit dans ces circonstances par un ami banquier italien12, ou par la maîtresse d'un de ses dirigeants13, au bureau d'achat du SD12 qu'il fournira par le marché noir14, « Aldo Modiano7 » a, au moment de sa rencontre avec Louisa Colpeyn, commencé d'accumuler une fortune12 qui durera jusqu'en 194715. Désormais protégé des arrestations mais pas des poursuites16, il s'installe début 194317 15 quai de Conti3 avec sa nouvelle compagne. Le couple mènera la vie de château17 et fréquentera la pègre18 jusqu'à la Libération, qui coïncide avec la naissance de leur fils aîné et le baby boom. L'enfant est confié à ses grand parents maternels venus à Paris pour cela renforçant le flamand comme langue maternelle15. En septembre 1949, sa mère rentre de vacances à Biarritz sans lui, l'y laissant pour deux ans à la nourrice19 de son frère Rudy né le 5 octobre 194715. C'est là qu'à cinq ans il est baptisé, en l'absence de ses parents, et inscrit dans une école catholique19. Début 1952, sa mère, rejetante20, installe les deux frères à Jouy-en-Josas, où ils deviennent enfants de chœur, chez une amie dont la maison sert à des rendez vous interlopes21. L'arrestation en février 1953 de cette amie pour cambriolage22 le ramène pour trois ans23 dans un foyer désuni21 où les seuls signes d'attention viennent du catéchisme23. L'atmosphère particulière de cette enfance, entre l'absence de son père — au sujet duquel il entend des récits troubles — et les tournées de sa mère, le rend très proche de son frère Rudy. La mort de celui ci à la suite d'une maladie à l'âge de dix ans, en février 195724, sonne la fin de l'enfance. L'écrivain gardera une nostalgie marquée de cette période et dédiera ses premiers ouvrages, publiés entre 1967 et 1982, à ce frère disparu en une semaine. L'adolescence terrible (1957-1962)[modifier | modifier le code] D'octobre 195625 à juin 196026, il est mis en pensionnat, avec d'autres adolescents infortunés de parents fortunés27, à l'école du Montcel à Jouy-en-Josas, où la discipline et le fonctionnement militaires28 en font un fugueur29 récidiviste26. De septembre 196030 à juin 196231, on l'éloigne un peu plus30 en le confiant aux pères du collège Saint-Joseph de Thônes, en Haute-Savoie30, prison32 où il attrape la gale33 dans un linge rarement changé34 et éprouve avec ses camarades paysans35 la solidarité de la faim36. De retour d'une tournée ruineuse37 de vingt-deux mois à travers l'Espagne38, sa mère trouve en juillet 1961 son père en ménage avec une Italienne blonde en instance de divorce de vingt ans plus jeune que lui39 qu'il épousera un an plus tard40. Ses parents vivront désormais chacun à un étage différent de leur duplex commun41. Soutenu depuis l'âge de quinze ans par Raymond Queneau, ami de sa mère rencontré en 1960 qui lui donne des leçons particulières de géométrie, il décroche son baccalauréat à Annecy en juin 196231, avec un an d'avance. Comme son père, il a l'ambition balzacienne de faire fortune mais en devenant écrivain42. Toutefois, éthéromane19, il abandonne définitivement31 les études à la rentrée suivante, en novembre 196240, en désertant l'internat43 du lycée Henri-IV à Paris où il a été inscrit en philosophie44. Sa belle-mère refuse de l'héberger chez elle, quai Conti, à quelque dix-huit cents mètres de là40. Il vient habiter, à la place de son père, chez sa mère45. Là, neuf mois plus tôt, en février 196241, il a connu ses premiers ébats amoureux. Sa partenaire, amie de sa mère, était de plus de dix ans son aînée46. Pour subvenir aux besoins de cette mère47 qui n'a pas de contrat43, il mendie45 auprès de son père, qui organise48 leurs rencontres à l'insu de sa nouvelle épouse49. Respirer un air plus léger (1963-1966)[modifier | modifier le code] Ce n'est que dans le foyer d'une ex baby sitter et de son mari vétérinaire aux haras de Saint-Lô, qu'il peut goûter, le temps renouvelé de quelques vacances, un semblant de vie familiale50. À partir de l'été 196347, toujours pour pallier l'impécuniosité de sa mère, il revend à des libraires des éditions remarquables volées chez des particuliers ou dans des bibliothèques51. Trois ou quatre fois, la dédicace d'un grand auteur ajoutée de sa main augmente fortement la plus-value, falsification qui deviendra un jeu52. En septembre 196453, une inscription contre son gré en hypokhâgne au lycée Michel-Montaigne à Bordeaux54, en forme de bannissement ourdi par sa belle-mère54, se solde par une nouvelle fugue55 et une rupture avec son père56 qui durera près de deux ans57. Le soir du 8 avril 1965, envoyé par sa mère chercher auprès de celui-ci un secours financier, il est emmené par la maréchaussée abusivement alertée par cette belle-mère58. Son père, sans un mot pour lui, le dénonce au commissaire comme un « voyou »59. À la rentrée 1965, il s'inscrit à la Sorbonne en Faculté de Lettres pour prolonger son sursis militaire60. Il n'assiste à aucun cours60 mais fréquente, à Saint-Germain des Prés, des adeptes du psychédélisme et du tourisme hippy à Ibiza61. Il retrouve au Flore leurs précurseurs du mouvement Panique62 auxquels il soumet son premier manuscrit63. C'est donc à un connaisseur qu'en 1966 Le Crapouillot commande pour son « spécial LSD » un article évoquant la génération Michel Polnareff, premier texte publié de Patrick Modiano64. Le samedi, Raymond Queneau le reçoit chez lui à Neuilly pour un dîner hilare que prolonge durant l'après-midi une promenade dans Paris évocatrice de Boris Vian65. En juin 1966, son père reprend contact avec lui mais c'est pour le persuader de devancer l'appel57, ce qui se termine par un échange épistolaire acerbe66. Libéré par sa majorité, Patrick Modiano ne reverra jamais son père62. Le salut dans l'écriture (1967-1978)[modifier | modifier le code] Sa rencontre avec l'auteur de Zazie dans le métro est cruciale. Introduit par celui-ci dans le monde littéraire, Patrick Modiano a l'occasion de participer à des cocktails donnés par les éditions Gallimard. Il y publiera son premier roman en 1967, La Place de l'Étoile, après en avoir fait relire le manuscrit à Raymond Queneau. À partir de cette année, il se consacre exclusivement à l'écriture. Avec Hugues de Courson, camarade d'Henri-IV, il compose un album de chansons, Fonds de tiroirs, pour lesquelles ils espèrent trouver un interprète. Ιntroduit dans le show bizz, Hugues de Courson « place » l'année suivante, en 1968, la chanson Étonnez-moi, Benoît…! auprès de Françoise Hardy64. Deux ans plus tard, ce sera L'Aspire à cœur auprès de Régine64. En mai 68, Patrick Modiano est sur les barricades mais en tant que journaliste pour Vogue64. Le 12 septembre 1970, il épouse Dominique Zehrfuss, la fille de l'architecte du CNIT, Bernard Zehrfuss. Elle raconte une anedocte symptomatique de la querelle esthétique entre héros et subversifs: « Je garde un souvenir catastrophique de la journée de notre mariage. Il pleuvait. Un vrai cauchemar. Nos témoins étaient Queneau, qui avait protégé Patrick depuis son adolescence, et Malraux, un ami de mon père. Ils ont commencé à se disputer à propos de Dubuffet, et nous, on était là comme devant un match de tennis ! Cela dit, ça aurait été amusant d’avoir des photos, mais la seule personne qui avait un appareil a oublié de mettre de la pellicule. Alors il ne nous reste qu’une seule photo, de dos et sous un parapluie ! »67 De cette union naîtront deux filles, Zina Modiano (1974), future réalisatrice, et Marie Modiano (1978), chanteuse et écrivaine. Dès son troisième roman, Les Boulevards de ceinture, le Grand prix du roman de l'Académie française de l'année 1972 l'inscrit définitivement comme une figure de la littérature française contemporaine. En 1973, il écrit avec le réalisateur Louis Malle le scénario du film Lacombe Lucien, dont le sujet est un jeune homme, désireux de rejoindre le maquis pendant l'Occupation, que le hasard, un rien, une parole de défiance à l'endroit de sa jeunesse peut être ou une absence de parole, fait basculer dans le camp de la Milice et de ceux qui ont emprisonné son père. Le scénario est publié chez Gallimard qu'il présente à Italiques68. La sortie du film en janvier 1974 déclenche une polémique au sujet de l'absence de justification du parcours du personnage, ressentie comme un déni de l'engagement, voire une remise en cause de l'héroïsme, et provoque l'exil du cinéaste. Il revient vers le cinéma en 1977 en préparant un scénario pour Michel Audiard sur un gangster moderne, Jacques Mesrine. Le film ne se fera pas mais il en restera une amitié durable pour le cinéaste52. En novembre 1978, il parvient à la consécration avec son sixième roman, Rue des boutiques obscures, en recevant le Prix Goncourt « pour l'ensemble de son œuvre ». Thématiques[modifier | modifier le code] La littérature modianienne est d'abord construite à partir de deux thèmes majeurs : la quête de l'identité (la sienne et celle de son entourage), ainsi que l'impuissance à comprendre les désordres, les mouvements de la société. Ce qui produit un phénomène où le narrateur se trouve presque toujours en observateur, subissant et essayant de trouver un sens aux nombreux événements qui se montent devant lui, relevant des détails, des indices, qui pourraient éclaircir et constituer une identité. Modiano (ou son narrateur) se montre parfois comme un véritable archéologue de la mémoire, relevant et conservant le moindre document, insignifiant au premier abord, afin de réunir des informations à propos de lui-même, de proches ou bien d'inconnus. Certaines pages sont travaillées de façon à sembler être écrites par un détective ou par un historiographe. Autre obsession modianienne, la période de l'Occupation allemande. Né en 1945, il ne l'a évidemment pas connue, mais il s'y réfère sans cesse à travers le désir de cerner la vie de ses parents durant cette période au point de se l'approprier et d'y plonger certains de ses personnages. L'évidente dualité idéologique de ses parents tend ainsi à faire émerger dans ses œuvres des protagonistes à la situation floue, aux limites et profils mal définis (notamment dans la première trilogie, dite « de l'Occupation », que composent ses trois premiers romans). La question du père Le thème du père et de la paternité est central chez Patrick Modiano. D'abord parce qu'il constitue l'épicentre de tout un réseau de thèmes secondaires variables (l'absence, la trahison, l'hérédité…), mais aussi parce qu'il s'agit d'un élément d'autofiction déterminant l'ensemble de son univers romanesque. Ce thème est ainsi majoritairement présent comme toile de fond des récits de Patrick Modiano, et plus directement dans le récit autobiographique Un pedigree69. Albert Modiano reste une énigme sur divers points, et l'écriture permet à l'auteur de les développer de façon libératrice. De sa jeunesse, on ignore quasiment tout, hormis sa participation à quelques trafics. Durant l'Occupation, il vit dans l'illégalité complète et utilise une fausse identité (Henri Lagroux) qui lui permet de ne pas porter l'étoile jaune. Mais le plus troublant reste un épisode dans lequel, après avoir été pris dans une rafle, Albert Modiano est emmené à Austerlitz pour un convoi. De façon surprenante, il sera rapidement libéré par un ami haut placé. L'identité de cet individu demeure floue. On suppose qu'il s'agit d'un membre de la bande de la rue Lauriston, c'est-à-dire la Gestapo française. Ayant pour habitude de rencontrer son fils dans des lieux hautement fréquentés, comme les halls de gares et d'hôtels, Albert Modiano est toujours préoccupé par de mystérieuses affaires. Patrick décide à l'âge de dix-sept ans de ne plus le revoir. Il apprendra sa mort (jamais élucidée), sans jamais connaître le lieu de l'inhumation.
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